Mieux cerner les besoins spécifiques : un enjeu de santé publique

L’autisme implique des particularités sensorielles, motrices et psychiques qui influencent fortement la santé physique avec l’âge. Les études récentes signalent des problématiques de santé plus précoces chez les seniors autistes que dans la population générale : fragilité motrice, douleurs chroniques, troubles du sommeil, santé buccodentaire, maladies cardiovasculaires ou diabète, mais aussi accidents domestiques sont plus fréquents (Anderson et al., 2019).

  • Multipathologies précoces : En 2019, l’étude britannique d’Hirvikoski souligne que la mortalité prématurée touche les adultes autistes à une fréquence 2 à 3 fois supérieure à la population générale, notamment du fait de maladies physiques mal prises en charge.
  • Sur-risque de sédentarité : Selon l’INSERM, une enquête française de 2022 montre que les adultes autistes cumulent davantage de facteurs de risque cardio-métaboliques (surpoids, inactivité, hypertension) – souvent liés à un mode de vie plus contraint et à la difficulté d’accéder au sport adapté.
  • Espérance de vie réduite : Selon le National Autistic Society (UK), l’espérance de vie moyenne d’une personne autiste reste réduite de 16 à 30 ans selon le degré de besoins de soutien.

La précocité du dépistage et la prévention active restent donc des priorités pour limiter l’accumulation des problèmes de santé chez les seniors autistes.

Des barrières persistantes à l'accès aux soins et au dépistage

L’accès au suivi médical pour les personnes autistes de plus de 60 ans reste un défi en Midi-Pyrénées : l’accompagnement manque dans les territoires ruraux, les médecins sont peu formés, et les seniors autistes peuvent présenter une résistance accrue face à la nouveauté, aux examens intrusifs ou aux environnements inconfortables.

Un rapport d’Autisme Europe (2020) signale que 45 % des adultes autistes interrogés en France disent avoir renoncé ou reporté des soins au moins une fois l’an, principalement pour les soins dentaires, ophtalmiques ou gynécologiques, faute d’adaptation – inconfort sensoriel, communication déficiente, temps de consultation trop court. On estime que moins de 15 % des seniors autistes bénéficient d’au moins un bilan complet annuel de santé physique en France (Autisme France).

  • Difficultés à exprimer la douleur : Beaucoup de seniors autistes verbaux ou non rencontrent des difficultés à identifier et verbaliser leur douleur, ce qui retarde la prise en charge (Santé Mentale, 2019).
  • Stress et anxiété liés aux soins : Les attentes, la lumière, le bruit, la peur de l’inconnu provoquent souvent un stress aigu, allongeant la durée de consultation ou décourageant la venue chez le médecin.
  • Rareté des professionnels formés : Seuls quelques centres de santé mentale ou dispositifs type « Passerelles autisme et santé » existent dans la région, souvent saturés ou avec peu de créneaux pour les seniors.

Prévenir, c’est anticiper : quatre piliers pour préserver la santé physique

Les points d’appui sont multiples et complémentaires dès lors que familles, aidants, professionnels et institutions coopèrent en Midi-Pyrénées :

  1. Accompagner la motricité et l’activité physique : L’inactivité aggrave les fragilités musculaires, la perte d’autonomie, les troubles métaboliques et les chutes. Pour les seniors autistes, la marche adaptée, la piscine ou la gymnastique douce (via des clubs inclusifs ou l’activité physique adaptée/APA) offrent des bénéfices mesurables.
    • Par exemple, en Haute-Garonne, l’association Handisport 31 a formé plusieurs éducateurs à l’accueil de publics TSA et organise des ateliers multisports à Colomiers et Cahors, en collaboration avec des ESAT et des établissements pour adultes autistes.
    • 5 % des clubs sportifs de la région proposent déjà des créneaux dédiés à l’autisme, avec du matériel sensoriel adapté et une signalétique simplifiée (source : Ligue d’Handisport Occitanie, 2023).
  2. Veiller à l’alimentation et au métabolisme : Les troubles alimentaires (sélectivité, routines, hyper- ou hypo-sensibilité) aggravent les carences, le surpoids ou parfois la dénutrition chez le senior autiste (Assurance Maladie).
    • Des diététiciens formés à l’autisme interviennent depuis 2021 dans 9 structures médico-sociales du Gers et de l’Ariège, avec des résultats positifs sur l’équilibre pondéral des résidents (Programme ARS Occitanie).
    • L’adaptation des repas, l’introduction très progressive de nouveaux aliments par la médiation sensorielle, et la structuration du temps du repas limitent la prise de poids ou la fatigue.
  3. Favoriser le dépistage et le suivi régulier : Mettre en place un suivi semestriel, systématique, et coordonné entre généraliste, spécialiste TSA et paramédicaux demeure rare, mais fait une différence nette.
    • La consultation « bilan senior TSA » sur Toulouse, portée par le CHU en lien avec les Plateformes autisme adulte, propose un bilan somatique, cognitif, podologique, buccodentaire et un entretien social en une demi-journée, avec un référent unique pour anticiper les pertes d’autonomie (expérimentation 2023, CHU de Toulouse).
    • L’usage de carnets de santé simplifiés ou d’applications de suivi santé dédiées aux aidants permet d’alerter plus tôt sur les baisses d’audition, de vision ou les chutes.
  4. Sensibiliser et outiller les aidants : La formation des familles et des professionnels (aides à domicile, personnel d’EHPAD, auxiliaires de vie) aux spécificités gériatriques de l’autisme optimise la prévention.
    • Le programme « Seniors & Autisme » de l’ADAPEI 12 organise chaque année des formations et ateliers d’échanges pour les aidants, abordant la prévention des escarres, l’hygiène dentaire, les troubles de la marche ou la gestion de la douleur difficile à repérer.
    • Les outils de communication pictographiques (PECS, Makaton) et les routines visuelles aident à signaler les douleurs et à mieux accepter les soins.

Créer des environnements favorables au bien-être physique : exemples et freins à surmonter

La qualité de l’environnement immédiat joue un rôle capital dans le maintien en santé : bruit, accessibilité, rythmes de vie, familiarité des lieux et présence d’appuis stables. Un espace rassurant et des repères visuels clairs limitent l’anxiété, facilitent les actes de prévention (toilettes, marche, hydratation, sport).

  • EHPAD et foyers d’hébergement : Une étude de la HAS (2018) relève que seuls 6 % des établissements médico-sociaux d’Occitanie se disent équipés pour accompagner spécifiquement le vieillissement des personnes TSA. Les enjeux majeurs sont la formation, l’adaptation architecturale (éclairage doux, couleurs, signalétiques simples), et la limitation des changements impromptus.
  • Domicile adapté : En partenariat avec la Maison de l’Autisme de Toulouse, un projet de « kit de prévention » est testé au domicile pour sécuriser le logement, adapter la salle de bain, poser des capteurs de chute discrètement, et fournir des fiches pictogrammes sur les gestes quotidiens.
  • Inclusion dans la vie sociale : Le maintien de liens d’amitié ou d’activités partagées (clubs de lecture, balades nature, jeux de société) soutient le moral, brise la solitude, et participe à la prévention des chutes ou des troubles cardio-vasculaires.

Mobiliser le territoire : ressources locales et réseaux en mouvement

La vitalité associative de Midi-Pyrénées constitue une force essentielle pour la prévention santé des seniors autistes :

  • L’association Parenthèse Autisme, implantée en Tarn-et-Garonne, coordonne des groupes de prévention santé et des ateliers bien-être pour seniors autistes, animés par une équipe pluridisciplinaire (infirmiers, kinés, éducateurs).
  • Les GEM (Groupes d’Entraide Mutuelle) de la région multiplient les sorties collectives et les ateliers santé. Ces espaces permettent aux seniors autistes vivant seuls de rompre l’isolement et d’expérimenter de nouveaux sports ou pratiques de relaxation en toute sécurité.
  • L’ARS Occitanie pilote depuis 2023 un Observatoire régional du vieillissement autistique, pour mieux documenter les parcours de santé et repérer les manques : l’objectif affiché est d’ici 2025, que chaque département de Midi-Pyrénées dispose d’un « référent santé senior TSA »).
  • Enfin, les partenariats entre ESAT, MAS, FAM et services gériatriques hospitaliers montent en puissance, mais demeurent hétérogènes d’un département à l’autre : une vigilance demeure sur l’équité d’accès.

Pour accéder à ces dispositifs, il n’est pas nécessaire d’avoir une notification MDPH spécifique au vieillissement. Un diagnostic TSA adulte et une orientation médico-sociale classique suffisent généralement.

Vers une nouvelle culture de la prévention pour le grand âge autiste

Prévenir la dégradation de la santé physique chez les seniors autistes en Midi-Pyrénées implique de conjuguer la vigilance de chaque jour, la formation, la collaboration et l’innovation sur le terrain. Les besoins spécifiques de ce public restent trop souvent invisibles, mais les initiatives émergent, portées par des familles, des associations, des professionnels engagés et une prise de conscience qui s’accélère.

Les expériences positives, même modestes, essaiment et dessinent une voie : pour qu’un senior autiste vieillisse dignement en bonne santé, c’est tout un environnement qui doit s’adapter, se coordonner, et oser la prévention sur-mesure. Entre santé publique, accompagnement à domicile, et mobilisation citoyenne, c’est une responsabilité partagée – et l’espoir d’un avenir plus inclusif pour tous.

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