Pourquoi le vieillissement des adultes autistes nécessite une attention particulière

En France, environ 700 000 personnes sont diagnostiquées autistes, dont une grande partie atteint ou atteindra la vieillesse dans les décennies à venir. Pourtant, le vieillissement des adultes autistes reste un angle mort dans les orientations stratégiques : peu d'études spécifiques, peu de structures adaptées et encore moins de formation pour les professionnels concernés.

Cette négligence s’explique en partie par une vision historiquement centrée sur l’enfant et l’adolescent autiste. Or, une personne autiste de 60 ans ou plus peut cumuler différents défis, tels que :

  • Des troubles sensoriels pouvant s'exacerber avec l'âge (perte auditive, dégradation visuelle).
  • Une rigidité des routines difficile à concilier avec les changements physiques ou sociaux liés au vieillissement.
  • Un isolement social accru dû à la perte de proches ou d’un réseau adapté.
  • Des comorbidités médicales plus fréquentes (épilepsie, troubles gastro-intestinaux, etc.).

Face à ces enjeux, il est essentiel d'agir dès maintenant, en concevant des solutions adaptées pour prévenir la rupture des parcours de vie.

Les besoins spécifiques des séniors autistes

La transition vers la vieillesse chez une personne autiste s'accompagne de défis multiples, mais elle met aussi en lumière des besoins essentiels, parfois négligés dans les dispositifs généralistes :

  • Un environnement sensoriellement adapté : Vieillir peut amplifier les sensibilités sensorielles inhérentes à l'autisme. Il est crucial de proposer des espaces calmes, bien éclairés et exempts de stimuli excessifs.
  • Un maintien des routines : Le besoin de structuration reste fondamental. L'adoption de routines stables peut grandement réduire l'anxiété liée aux changements physiques ou sociaux.
  • Une prise en charge des comorbidités : Les personnes autistes vieillissantes nécessitent un suivi médical régulier, avec une vigilance accrue concernant les problèmes ciblés comme l’arthrite, l’obésité ou le diabète.
  • L'inclusion dans les communautés locales : L'isolement social est fréquent chez les séniors autistes, d’autant plus lorsqu’ils vivent seuls. Rejoindre des groupes ou participer à des activités inclusives peut favoriser un sentiment d’appartenance et de bien-être.

Ces besoins nécessitent que les professionnels soient formés aux spécificités de l’autisme chez les personnes âgées, afin de mieux anticiper leurs attentes et d’éviter toute invisibilisation.

Des stratégies concrètes pour une transition réussie

1. Préparation en amont : un levier essentiel

La transition vers la vieillesse ne s’improvise pas, surtout chez les adultes autistes. L’un des moyens les plus efficaces de prévenir les crises (qu’elles soient médicales, sociales ou psychologiques) est d’anticiper les changements à venir :

  • Établir un parcours de vie adapté : Dès l’âge de 40-50 ans, initier des discussions avec la personne sur ses projets pour les années à venir. Où souhaiterait-elle vivre ? Quels sont ses besoins prioritaires ?
  • Sensibiliser les proches et intervenants : Les aidants doivent être informés des spécificités liées au vieillissement des personnes autistes, pour éviter les interprétations erronées ou la prise de décisions inadaptées.
  • Créer des supports visuels ou écrits pour expliquer les changements : Par exemple, utiliser des pictogrammes ou des plannings visuels pour illustrer une nouvelle organisation quotidienne.

2. Réinventer les structures d'accueil

Les maisons de retraite ou EHPAD standards sont malheureusement souvent inadaptés pour accueillir des seniors autistes, faute d’un cadre sensoriel approprié ou d’un personnel formé. Certaines initiatives pionnières en France ou à l’étranger montrent cependant qu’il est possible de développer des alternatives plus inclusives :

L’exemple des villages inclusifs : En Belgique, des initiatives comme le "Village de l’autisme" offrent des espaces de vie combinant logements individuels et espaces collectifs adaptés, tout en favorisant les interactions sociales. Ces modèles pourraient inspirer des projets similaires en France.

Dans le même temps, il est urgent de :

  • Former les équipes des établissements traditionnels aux spécificités de l’autisme.
  • Rendre les aménagements physiques des lieux flexibles pour limiter l’inconfort sensoriel.

3. Encourager l’inclusion numérique

Pour réduire l’isolement social, le numérique est un allié précieux. Les plateformes sociales ou les outils de communication en ligne peuvent être adaptés pour répondre aux besoins des personnes autistes vieillissantes. Par exemple :

  • Former les séniors autistes à l’utilisation d’applications comme Skype ou WhatsApp pour maintenir le lien avec leurs proches.
  • Développer des outils numériques spécifiques, adaptés à une interface claire et sans surcharge sensorielle.

Il serait également utile d’encourager la création de communautés numériques inclusives, où les séniors autistes pourraient échanger entre eux ou avec des professionnels spécialisés.

Un vieillissement heureux et digne : un enjeu pour tous

Rendre la transition vers la vieillesse plus sereine pour les adultes autistes est un objectif ambitieux, mais vital. Cette démarche ne concerne pas seulement les familles ou les professionnels directement impliqués : elle interroge aussi notre regard collectif sur le vieillissement et l’inclusion.

Rappelons qu’un accompagnement digne ne consiste pas seulement à anticiper les défis mais aussi à valoriser les forces et les aspirations des personnes concernées. Par ailleurs, les initiatives locales ou les projets pilotes dans les territoires, comme ici en Midi-Pyrénées, peuvent faire office de médiateurs entre les besoins individuels et des politiques plus larges.

En soutenant ces démarches et en partageant ces enjeux autour de nous, nous pouvons espérer avancer vers une société plus inclusive, où vieillir reste une expérience vécue avec respect et sérénité, quel que soit le parcours de chacun.

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